Alors que les forces loyalistes avancent vers Raqqa de l’ouest, les Forces Démocratiques Syriennes (FDS) y avancent de l’est, en mettant l’État Islamique entre deux branches de tenaille, mais deux branches contradictoires…
Cette semaine l’Armée Syrienne, soutenue par les iraniens, le Hezbollah, l’aviation et les forces spéciales russes, a déclenché une offensive vers le fief de Daech afin de le libérer. « Le camp oriental » a commencé l’attaque depuis l’axe d’Athriya au nord de Hama vers l’aéroport militaire de Tabqa, un aéroport de grande importance dans le but de contrôler la ville de Tabqa (à 50 km de Raqqa). Pour l’instant, ces forces ont réussi à s’enfoncer à plus de 40 km depuis l’axe citée. Tandis que les forces de (FDS), constituées d’une alliance arabo-kurde et soutenues par les États-Unis, ont déclenché leur attaque le 24 mai depuis la ville de Aïn Issa au nord. Ce sont les kurdes qui dominent la composition de ces forces. Selon les estimations américaines, ces forces comptent 25000 combattants kurdes et 5000 arabes. Les États-Unis ont déployé 300 soldats américains dans le but de diriger cette alliance. Actuellement, ces forces ont déclenché une attaque depuis le flanc occidental de l’Euphrate dans le but de contrôler la ville de Manbij, l’axe principal de ravitaillement de Daech depuis la Turquie. Ces mêmes forces ont déclaré le 08 juin qu’elles sont prêtes à entrer Manbij et d’avancer ensuite vers la ville de al-Bab, un autre bastion principal de Daech près des frontières syro-turques. Une fois ces deux villes sont contrôlées par ces forces, Daech sera isolé de son soutien logistique depuis la Turquie et la zone de domination kurde s’étendra tout au long des frontières syro-turques, sauf deux petites villes, Maré’ et Azaz contrôlées par des rebelles islamistes.
- La course a commencé !
Les analyses stratégiques affirment que les U.S. semblent pivoter vers l’Asie-Pacifique, mais il ne semble pas que les américains ont totalement abandonné leur intérêt au Moyen-Orient. Les deux grandes forces mondiales savent très bien que celui qui contrôle Raqqa contrôlera la Syrie et, par conséquent, la région du Moyen-Orient. Si les russes étaient les premiers, une ceinture chiite va être créée de l’Iran au Liban. Cette ceinture protégera la Russie des menaces djihadistes et empêche leur étendu dans le Caucase. Cela fait de l’Iran le grand homme du Moyen-Orient. Au niveau économique, les oléoducs et les gazoducs s’étendront de l’Iran en passant par l’Irak, la Syrie et le Liban vers l’Europe ; ce projet fait que l’Europe deviendra beaucoup moins dépendant du pétrole et du gaz des pays du Golfe, ce qui engendrera une baisse des prix du baril du pétrole au niveau mondial.
Si les U.S. arrivent les premiers, ils vont installer un gouvernement opposant au régime de Damas, qui peut lancer des attaques diplomatiques et militaires depuis Raqqa. Cela garde l’eau du visage des U.S. devant les triomphes diplomatiques et militaires de la Russie, notamment que la Syrie a rendu à la Russie sa place comme force mondiale, et un joueur incontournable, pas seulement au Moyen-Orient mais aussi au niveau mondial. Au niveau économique, les oléoducs et les gazoducs qui s’étendent de l’Iran au Liban ne verrons jamais le jour, mais plutôt les pays du Golfe vont faire leurs propres gazoducs et oléoducs depuis le Qatar, en passant par l’Arabie (déjà en crise pétrolière difficile), la Jordanie, puis Raqqa (contrôlée par un gouvernement pro-américain( vers la Turquie et ensuite l’Europe. Dans ce cas-là, la ceinture chiite ne verra jamais le jour et la menace djihadiste va fatiguer la Russie, ainsi qu’on aura une Syrie divisée…
- Et si les deux arrivent en même temps ?
La question la plus intéressante est la suivante : que se passe-t-il si les deux forces mondiales principales arrivent en même temps au cœur de Raqqa ? Est-ce qu’on témoignera une Raqqa orientale et une Raqqa occidentale ? Cela engendrera quel impact sur l’avenir de la Syrie ?
De toute façon, les forces kurdes ont déclaré qu’ils ne vont pas introduire Raqqa dans leur canton kurde autonome après sa libération, mais ils vont céder la place aux forces arabes « modérées ». Actuellement, les forces loyalistes soutenues par les russes et les forces de (FDS) soutenues par les U.S. avancent rapidement. C’est une question de temps ; celui qui arrive le premier impose sa domination sur cette région désignée comme « une marée » par l’administration d’Obama. La course a commencé, et tout scénario est possible.
- Une vision géopolitique rapide sur le Moyen-Orient :
Quant aux turques, leurs relations avec les russes sont très stressées, et les U.S. semblent les abandonner après l’échec de leur projet néo-ottoman d’être « le Vatican du sunnisme ». L’appui américain aux forces de (FDS) en préférant de faire une bande kurde tout au long des frontières syro-turques donne l’idée que les américains ont des mal entendements avec leur allié turque membre de l’OTAN. La Jordanie et le Liban ne sont pas en situation favorable actuellement ; leur basculement dans le chaos islamiste est fort probable. La sécurité d’Israël est garantie par les russes comme par les américains, notamment après la dernière visite de Benyamin Netanyahou à Moscou le lundi dernier. Cette visite semble assez fructueuse. Les russes ont soulagé les israéliens et ont garantie que la Syrie ne déclenchera pas une guerre contre Israël dans l’avenir. Ici, il s’avère que les russes ont une vision d’une paix régionale au long terme. L’avenir de l’Irak, du Liban et de l’Égypte dépend aussi du vainqueur.
Tout au long des dernières années, les occidentaux ont préféré de s’allier avec les pétromonarchies sunnites dans la région, malgré que ces dernières sont les parrains du terrorisme mondial et du courant wahhabite (une idéologie très fanatique de l’Islam adoptée par les terroristes dans leur projet d’un État fondé sur la charia). Mais aujourd’hui, ces pétromonarchies sont en crise pétrolière profonde qui ne donne pas assez d’optimisme aux relations avec l’Occident (peut-être cela sera la fin du soutien du terrorisme mondial). La chaleur revient peu à peu aux relations avec l’Iran chiite, ce qui s’explique par l’accord du nucléaire iranien, ce qui renforce l’idée que l’Iran sera le grand homme du Moyen-Orient et que la ceinture chiite aura lieu un jour.
Donc, de ce qui précède, le contrôle de Raqqa constitue une partie d’une vision géopolitique générale de la région, une vision qui joue sur les différents niveaux économiques, politiques et diplomatique ; ainsi que sur l’hégémonie mondiale et la paix régionale accompagnée de l’éradication de la menace djihadiste. Cela fait de la Syrie aujourd’hui le centre de préoccupation du monde, parce que le vainqueur dans ce pays imposera un nouvel ordre mondial.