RAQQA : UN NOUVEAU BERLIN ?

 

Alors que les forces loyalistes avancent vers Raqqa de l’ouest, les Forces Démocratiques Syriennes (FDS) y avancent de l’est, en mettant l’État Islamique entre deux branches de tenaille, mais deux branches contradictoires…

 

 

     Cette semaine l’Armée Syrienne, soutenue par les iraniens, le Hezbollah, l’aviation et les forces spéciales russes, a déclenché une offensive vers le fief de Daech afin de le libérer. « Le camp oriental » a commencé l’attaque depuis l’axe d’Athriya au nord de Hama vers l’aéroport militaire de Tabqa, un aéroport de grande importance dans le but de contrôler la ville de Tabqa (à 50 km de Raqqa). Pour l’instant, ces forces ont réussi à s’enfoncer à plus de 40 km depuis l’axe citée. Tandis que les forces de (FDS), constituées d’une alliance arabo-kurde et soutenues par les États-Unis, ont déclenché leur attaque le 24 mai depuis la ville de Aïn Issa au nord. Ce sont les kurdes qui dominent la composition de ces forces. Selon les estimations américaines, ces forces comptent 25000 combattants kurdes et 5000 arabes. Les États-Unis ont déployé 300 soldats américains dans le but de diriger cette alliance. Actuellement, ces forces ont déclenché une attaque depuis le flanc occidental de l’Euphrate dans le but de contrôler la ville de Manbij, l’axe principal de ravitaillement de Daech depuis la Turquie. Ces mêmes forces ont déclaré le 08 juin qu’elles sont prêtes à entrer Manbij et d’avancer ensuite vers la ville de al-Bab, un autre bastion principal de Daech près des frontières syro-turques. Une fois ces deux villes sont contrôlées par ces forces, Daech sera isolé de son soutien logistique depuis la Turquie et la zone de domination kurde s’étendra tout au long des frontières syro-turques, sauf deux petites villes, Maré’ et Azaz contrôlées par des rebelles islamistes.

Carte de la domination militaire en Syrie. Source: wikimedia, disponible à l’adresse: https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=25226676

 

  • La course a commencé !

     Les analyses stratégiques affirment que les U.S. semblent pivoter vers l’Asie-Pacifique, mais il ne semble pas que les américains ont totalement abandonné leur intérêt au Moyen-Orient. Les deux grandes forces mondiales savent très bien que celui qui contrôle Raqqa contrôlera la Syrie et, par conséquent, la région du Moyen-Orient. Si les russes étaient les premiers, une ceinture chiite va être créée de l’Iran au Liban. Cette ceinture protégera la Russie des menaces djihadistes et empêche leur étendu dans le Caucase. Cela fait de l’Iran le grand homme du Moyen-Orient. Au niveau économique, les oléoducs et les gazoducs s’étendront de l’Iran en passant par l’Irak, la Syrie et le Liban vers l’Europe ; ce projet fait que l’Europe deviendra beaucoup moins dépendant du pétrole et du gaz des pays du Golfe, ce qui engendrera une baisse des prix du baril du pétrole au niveau mondial.

     Si les U.S. arrivent les premiers, ils vont installer un gouvernement opposant au régime de Damas, qui peut lancer des attaques diplomatiques et militaires depuis Raqqa. Cela garde l’eau du visage des U.S. devant les triomphes diplomatiques et militaires de la Russie, notamment que la Syrie a rendu à la Russie sa place comme force mondiale, et un joueur incontournable, pas seulement au Moyen-Orient mais aussi au niveau mondial. Au niveau économique, les oléoducs et les gazoducs qui s’étendent de l’Iran au Liban ne verrons jamais le jour, mais plutôt les pays du Golfe vont faire leurs propres gazoducs et oléoducs depuis le Qatar, en passant par l’Arabie (déjà en crise pétrolière difficile), la Jordanie, puis Raqqa (contrôlée par un gouvernement pro-américain( vers la Turquie et ensuite l’Europe. Dans ce cas-là, la ceinture chiite ne verra jamais le jour et la menace djihadiste va fatiguer la Russie, ainsi qu’on aura une Syrie divisée…

  • Et si les deux arrivent en même temps ?

   La question la plus intéressante est la suivante : que se passe-t-il si les deux forces mondiales principales arrivent en même temps au cœur de Raqqa ? Est-ce qu’on témoignera une Raqqa orientale et une Raqqa occidentale ? Cela engendrera quel impact sur l’avenir de la Syrie ?

    De toute façon, les forces kurdes ont déclaré qu’ils ne vont pas introduire Raqqa dans leur canton kurde autonome après sa libération, mais ils vont céder la place aux forces arabes « modérées ». Actuellement, les forces loyalistes soutenues par les russes et les forces de (FDS) soutenues par les U.S. avancent rapidement. C’est une question de temps ; celui qui arrive le premier impose sa domination sur cette région désignée comme « une marée » par l’administration d’Obama. La course a commencé, et tout scénario est possible.

  • Une vision géopolitique rapide sur le Moyen-Orient :

   Quant aux turques, leurs relations avec les russes sont très stressées, et les U.S. semblent les abandonner après l’échec de leur projet néo-ottoman d’être « le Vatican du sunnisme ». L’appui américain aux forces de (FDS) en préférant de faire une bande kurde tout au long des frontières syro-turques donne l’idée que les américains ont des mal entendements avec leur allié turque membre de l’OTAN. La Jordanie et le Liban ne sont pas en situation favorable actuellement ; leur basculement dans le chaos islamiste est fort probable. La sécurité d’Israël est garantie par les russes comme par les américains, notamment après la dernière visite de Benyamin Netanyahou à Moscou le lundi dernier. Cette visite semble assez fructueuse. Les russes ont soulagé les israéliens et ont garantie que la Syrie ne déclenchera pas une guerre contre Israël dans l’avenir. Ici, il s’avère que les russes ont une vision d’une paix régionale au long terme. L’avenir de l’Irak, du Liban et de l’Égypte dépend aussi du vainqueur.

   Tout au long des dernières années, les occidentaux ont préféré de s’allier avec les pétromonarchies sunnites dans la région, malgré que ces dernières sont les parrains du terrorisme mondial et du courant wahhabite (une idéologie très fanatique de l’Islam adoptée par les terroristes dans leur projet d’un État fondé sur la charia). Mais aujourd’hui, ces pétromonarchies sont en crise pétrolière profonde qui ne donne pas assez d’optimisme aux relations avec l’Occident (peut-être cela sera la fin du soutien du terrorisme mondial). La chaleur revient peu à peu aux relations avec l’Iran chiite, ce qui s’explique par l’accord du nucléaire iranien, ce qui renforce l’idée que l’Iran sera le grand homme du Moyen-Orient et que la ceinture chiite aura lieu un jour.

  Donc, de ce qui précède, le contrôle de Raqqa constitue une partie d’une vision géopolitique générale de la région, une vision qui joue sur les différents niveaux économiques, politiques et diplomatique ; ainsi que sur l’hégémonie mondiale et la paix régionale accompagnée de l’éradication de la menace djihadiste. Cela fait de la Syrie aujourd’hui le centre de préoccupation du monde, parce que le vainqueur dans ce pays imposera un nouvel ordre mondial.

 

Un journaliste syrien opposant à l’Etat Islamique assassiné en Turquie.

Le dimanche 27 décembre 2015, un journaliste syrien opposant aux actions de l’Etat Islamique dans son pays. Il a été assassiné d’une balle dans la tête en pleine rue, dans une ville Turque, Gaziantep, proche de la frontière syrienne.

 Un pacifiste anti-daech.

 Le journaliste en question était marié et père de deux filles, il s’agit de Naji Jerf, il avait 38 ans et menait son propre combat contre l’Etat Islamique, non pas avec des armes mais avec sa culture. Un de ses proches qui a préférait taire son nom par sécurité parle de lui comme quelqu’un qui «représentait à lui seul la révolution pacifique. C’est le symbole qui doit faire jubiler le régime et Daech. En quelque sorte une nouvelle excellente pour les monstres».

Il était par ailleurs le producteur du groupe « Raqqa se fait massacrer en silence », une ONG créé depuis avril 2014 dont le but est de dénoncer secrètement les abus de l’Etat Islamique dans la ville de Raqqa, une des capitales autoproclamée des djihadistes. Le reporter venait par ailleurs de terminer un film sur les exactions de l’Etat Islamique à Alep. D’après le Committee to Protect Journalists (une ONG américaine spécialisée dans la défense des journalistes), ce collectif est « l’une des dernières sources d’information fiable et indépendante au sein du bastion de l’organisation Etat islamique ». Naji Jerf est le quatrième membre de ce collectif à être assassiné après Bachir Abduladhim Al-Saado, Faisal Hussain Al-Habib et Ibrahim Abdel-Qader.

Un autre de ses proches qui a préféré garder l’anonymat également a décrit la scène de l’assassinat. Naji Jerf a été ciblé en pleine journée alors qu’il se trouvait dans un restaurant D’après le témoignage de ce proche, le journaliste « était en train d’acheter à manger pour sa famille quand un homme masqué est sorti de sa voiture pour lui tirer dessus, avant de prendre la fuite ». Même si ce crime n’a pas encore été revendiqué par l’Etat Islamique, il a tout l’air d’une mise en garde envers les médias qui s’intéressent d’un peu trop près au fonctionnement interne de Daech en Syrie.

Demande d’asile politique pour la France.

Naji Jerf était un journaliste très respecté, il était également le rédacteur en chef du magazine syrien Hentah. Nour Hemici, une consultante qui connaissait bien le journaliste a annoncé qu’il travaillait sur un projet pour lutter contre le recrutement extrémiste. Il était également très apprécié des jeunes qu’il formait. Ceux-ci lui avaient même attribué le surnom de « Khal » qui veut dire tonton.

D’après cette même consultante, Naji Jerf devait prendre l’avion avec sa famille le lundi 28 décembre pour la France « afin d’y recevoir l’asile politique ». Une enquête a été ouverte par les autorités turques sur cet assassinat. Cependant, même si les partisans de l’Etat Islamiques se sont réjouis de la mort du journaliste sur les réseaux sociaux, cet assassinat n’a pas encore été revendiqué.

Arthur Belin.

L’accord de l’ONU à propos du cas Syrien

Enfin, un semblant d’accord voit le jour malgré encore quelques dissensions. En quatre ans et demi de guerre, jamais le Conseil de sécurité de l’ONU n’avait réussi à se mettre d’accord sur une sortie de crise politique en Syrie. Mais sur le fond, la résolution pour un processus de paix en Syrie a été votée à l’unanimité par les 15 membres du Conseil ce vendredi 18 décembre. Néanmoins, la question de la gouvernance de la Syrie d’après-guerre reste entière.

 

Élections dans les dix-huit mois

Le texte qui a été adopté en fin de journée prévoit la mise en place d’une transition politique avec un calendrier précis. Après six mois, le processus doit établir « une gouvernance crédible » veillant à la préservation des institutions et qui se devra d’écrire une nouvelle Constitution. Des élections « libres et justes » doivent être organisées sous la supervision de l’ONU dans les dix-huit mois. Sur proposition française, la résolution exige l’application immédiate de mesures de confiance humanitaires, telles que la fin des bombardements indiscriminés, la protection des civils ainsi que des installations et personnels médicaux.

Ce cessez-le-feu ne met pas fin à la guerre. Il « ne s’appliquera pas aux actions offensives et défensives » contre l’organisation État islamique (EI) et le Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, menées notamment par la coalition internationale de lutte contre l’EI. John Kerry a d’ailleurs à nouveau invité la Russie à concentrer ses frappes sur ces groupes terroristes, et non sur l’opposition anti-Assad soutenue par Washington et ses alliés.

Les points de divergence restent nombreux et l’incertitude demeure sur la possibilité de transformer le consensus obtenu sur le papier en réel changement sur le terrain. John Kerry s’est dit « sans illusions sur les obstacles qui existent… surtout sur l’avenir du président Assad ». Aucune mention n’est faite dans le texte du sort de Bachar Al-Assad, sur lequel la Russie et l’Iran ont bloqué toute discussion explicite.

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Vue d’ensemble de la réunion du Groupe international d’appui pour la Syrie (ISSG) à New York. Photo ONU/Cia Pak

« Identifier les terroristes »

Même dans l’éventualité où M. Assad n’était pas écarté du pouvoir lors de la transition, la participation prévue des Syriens réfugiés à l’étranger à une élection supervisée par l’ONU pourrait signer sa défaite.

L’accord laisse également entière la question de la composition de la délégation de l’opposition qui ira négocier face au régime. La conférence qui a réuni un large spectre de l’opposition politique et militaire syrienne à Riyad, du 9 au 11 décembre doit« être un pilier des négociations et asseoir le socle du dialogue intersyrien » d’après la France. Mais Damas, Moscou et Téhéran ont vivement critiqué cette initiative saoudienne et dénoncent la présence en son sein de groupes « terroristes ». Cette liste, qui inclut uniquement à ce stade l’EI et le Front Al-Nosra, est encore loin d’être finalisée. La Jordanie a présenté un document qui contiendrait, de source diplomatique, « une centaine de noms ».

Les vives discussions attendues sur la composition de ces deux listes compromettent déjà la tenue du calendrier de transition. Les invitations pourraient être lancées début janvier, a estimé M. de Mistura, pour une première rencontre courant ou fin janvier. L’interrogation subsiste sur la volonté dans les deux camps de se retrouver à la même table, bien que John Kerry ait dit avoir obtenu mardi à Moscou l’assurance du président Vladimir Poutine que Bachar Al-Assad était « prêt à collaborer à une transition politique et à adhérer au principe d’une élection ».

Emanuel Tychonowicz

Couper l’argent de DAECH ! La déclaration de guerre de l’ONU aux finances de l’Etat Islamique

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Le 17 décembre, le Conseil de Sécurité de l’ONU a adopté une résolution marquant le passage de l’organisation internationale dans une lutte à outrance contre DAECH. Celle-ci vise à priver l’Etat Islamique de ses avoirs financiers et à geler toutes ses possibilités de financement. Ces mesures remettent dans le même temps en pleine lumière les aides financières fournies par les pays du Golfe.

Au soir du jeudi 17 décembre, la salle de réunion du Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies, à New York est en pleine effervescence. Sous la houlette de Jacob Lew, secrétaire du Trésor américain, qui assure la présidence tournante de l’ONU, les quinze pays membres du Conseil de Sécurité votent, à l’unanimité, la résolution pouvant s’apparenter à une déclaration de guerre financière à DAECH. Avant le vote, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, de retour de Paris après la signature de l’accord internationale de la COP 21, a déclaré devant les ministres des Finances des quinze pays du conseil : « Alors que Daech et d’autres groupes terroristes diffusent leur propagande haineuse et multiplient leurs attentats meurtriers, nous devons unir nos forces afin de les empêcher d’acquérir et de déployer les ressources qu’ils pourraient utiliser pour perpétrer d’autres crimes ».

Détruire les ramifications financières de DAECH

Une mesure qui n’est pas une nouveauté puisqu’un comité de l’ONU avait déjà été mis en place, après le 11 septembre 2001, pour s’attaquer aux financements d’Al Qaïda. C’est ce même comité, renommé « Comité des sanctions EI-DAECH et Al Qaïda », qui appliquera la résolution adoptée par le Conseil de Sécurité. Il devra rendre dans quarante-cinq jours un rapport stratégique avec ses conclusions et ses axes d’attaques contre les financements de DAECH. Un chantier d’envergure puisque le comité recense déjà 243 personnes et 74 entités, et que les revenus mensuels de l’Etat Islamique sont estimés à 80 millions de dollars par mois. L’accord fait suite à celui adopté en février ayant déjà mis-en-place les bases d’une condamnation des acheteurs du pétrole et des œuvres d’arts de l’EI. Chaque pays membre aura quatre mois pour rendre un dossier sur les mesures prises dans ce domaine et devra renforcer sa législation contre le financement du terrorisme. Le Groupe d’Action Financière (GAFI), dépendant de l’ONU et installé à Paris, sera chargé de la vérification des mesures mises en places au niveau étatique et d’appliquer d’éventuelles sanctions.

La résolution a été la convergence d’une volonté commune de la part de tous les Etats engagés contre DAECH, déjà marquée lors du G20 du 16 novembre dernier.  Née d’une volonté française, élaborée de manière conjointe entre la Russie et les Etats-Unis, elle est la somme d’une réflexion collective devant le péril imminent que représente l’Etat Islamique. Quand bien même les bombardements de la coalition internationale ont mis à mal ses sources de revenus, en particulier les frappes chirurgicales ayant touchés les moyens de transport de pétrole et les raffineries clandestines, les dernières actions offensives de DAECH montre que le travail est loin d’être terminé. Afficher la volonté de lui couper les vannes de la Finance, c’est l’empêcher, également, d’exercer le contrôle des services mis en place dans les territoires sous son contrôle. En Irak, le gouvernement a déjà mis en place des mesures fortes en empêchant toute transaction entre la banque centrale d’Irak et ses 90 succursales tenues par l’EI.

Le président russe, Vladimir Poutine, lors de sa conférence de presse annuelle au matin de la cession de l’ONU devant voter la déclaration, a déclaré : « Nous soutenons en principe l’initiative des Etats-Unis d’une résolution à l’ONU, mise au point conjointement par Washington et Moscou », explicitant l’accord des deux pays à ce sujet lors de la venue du secrétaire d’Etat John Kerry à Moscou mardi dernier. Le représentant permanent de la Russie à l’ONU, Vitali Tchourkine, a déclaré à l’issue de l’accord qu’il témoignait de la « compréhension commune du danger de la menace terroriste, du besoin d’y réagir rapidement et de manière adéquate ».

Alors qu’au niveau français, le ministre des Finances et ses équipes sont engagés depuis les attentats de janvier dans la lutte financière contre DAECH, il a déclaré le même jour que la mission de l’ONU visera « le gel des avoirs qui seraient d’une manière ou d’une autre tirés du trafic du pétrole ». Cet arsenal sera complété par des interdictions de voyager aux banquiers suspectés de collusion avec l’EI, une lutte accrue contre le trafic d’œuvres d’art ainsi qu’embargo sur la circulation d’armes à destination de la Syrie et de l’Irak. Si la rédaction des 28 pages de mesures et des 98 points adoptés par le conseil de sécurité a été effectuée sous la direction des Etats-Unis et de la Russie, l’initiative est bien française, fruit des discussions de Barack Obama et de François Hollande après les attentats meurtriers qui ont frappés Paris le 13 novembre. Des entretiens entre Michel Sapin et Jacob Lew, secrétaire d’Etat au Trésor, sont planifiés ce 18 décembre, sur le partage d’informations via le réseau d’interception américain des mouvements bancaires, SWIFT. Ce partage d’informations permettra la détection par les banques des transactions suspectes et un croisement immédiat avec les données SWIFT et les informations des services de renseignement des pays du Conseil de Sécurité. Le ministère des Finances a par ailleurs mis en place un dossier, très complet, à l’usage des professionnels des organismes financiers, d’assurance et des marchands d’art et de biens précieux, permettant de ne pas tomber dans les filets des trafics de DAECH. Un dossier axé sur la vigilance financière, le commerce de pétrole, le commerce des biens culturels, les matières premières, les transferts financiers, contrats d’assurance et ONG œuvrant avec certaines zones. Il est possible de trouver ce rapport ici : http://www.tresor.economie.gouv.fr/10858_lutte-contre-le-financement-de-daech

La volonté internationale de lutter contre le financement de DAECH a remis, depuis plusieurs semaines, les apports des pays du Golfe aux djihadistes au premier plan des médias.

Le vrai rôle des pays du Golfe dans le financement de DAESH

De par leur rôle historique dans le financement d’Al Qaïda, les pétromonarchies du Golfe sont visées par de nombreuses suspicions vis-à-vis de leurs collusions avec l’Etat islamique. Dans un article d’Atlantico consacré aux financements occultes de DAECH, Roland Lombardi, spécialiste du Moyen-Orient, explique que ce sont plus des particuliers, des fondations ou des organisations d’Arabie Saoudite et du Qatar qui apportent leur soutien financier plus que les Etats eux-mêmes, engagés dans de nombreux accords économiques et commerciaux avec les Etats de la coalition. Ces dernières années, les Etats du Golfe étaient encore les principaux soutiens du Hamas, financiers mais aussi lieu d’accueil de leaders du mouvement palestinien, mais aussi des talibans, de mouvements islamistes libyens et d’AQMI.

Principaux soutiens également pour le Front Al Nostra par l’Arabie Saoudite et pour l’Etat Islamique et les frères musulmans par le Qatar. Mais depuis près d’un an, l’Etat Islamique s’est retourné contre la main nourricière en menaçant le Royaume d’attentats sur son sol. Selon Roland Lombardi, l’indépendance financière de l’Etat Islamique et la pression internationale forcent les saoudiens et les qataris à entrer dans le jeu de la lutte contre celui-ci, dans le but également de préserver ses intérêts en Occident. Par sa politique extérieure déplorable, la situation est compliquée par la baisse du prix du baril, et les saoudiens ouvrent désormais le dialogue avec leur seul espoir, les russes…

Kamed Daoud, journaliste algérien poursuivi par une fatwa pour son opposition forcenée à l’intégrisme musulman, déclarait récemment dans une tribune qu’il fallait s’attaquer « à la cause plutôt qu’à l’effet », déclinant le fait que les pétromonarchies du Golfe avaient initiés la pensée islamiste au Moyen-Orient. De nombreuses voix s’élèvent en France pour lutter contre l’outrecuidance des investisseurs qataris, et souhaitant un certain nombre de sanctions françaises à l’égard de ces pays. Dans une interview le 17 décembre, Manuel Valls déclarait son soutien à ces deux contrées, engagés à nos côtés dans la lutte contre DAECH, mais déclarant tout de même : « Reste la question de l’ensemble des financements de l’EI, mais au Moyen-Orient les choses sont très compliquées. ».

L’Etat Islamique et son trésor de guerre

Les biens accumulés par l’Etat Islamique sont scrutés avec inquiétude par le monde entier. Contrôlant une douzaine de champs de pétrole pouvant extraire jusqu’à 40 000 barils par jour qui leur rapporte près de 1.5 million de dollars par jours, et taxant près de 10 millions d’habitants, leur trésor de guerre s’élève ainsi à près de 2260 milliards.

Si le pétrole ne représente qu’un quart de leurs recettes, les trafics en tout genre, allant des objets d’art aux trafics humains, leur rapporte des sommes colossales leur permettant de s’implanter de manière organisée dans les lieux qu’il contrôle, de lancer des politiques sociales vers les habitants et de réaliser leur propagande.

Des collusions également avec des professionnels de la Finance, avec embauches de traders et fourniture de pots de vins importants à des banquiers pour leur permettre de réaliser des transactions en toute impunité. En témoigne l’affaire de faux prêts réalisés en Angleterre grâce à la complicité d’employés de banques de la City.

L’inquiétude est donc fondée, pointant les difficultés à venir en matière de démantèlement financier de DAECH, et qui fait dire au Financial Action Task Force : « L’organisation terroriste s’autofinance en grande partie ».

 

Ainsi, la montée en puissance de l’indépendance financière de DAECH après le retrait progressif des soutiens pécuniaires des pétromonarchies du Golfe, fait que, malgré la volonté forte émise par le Conseil de Sécurité de l’ONU en matière de lutte financière contre l’EI, celle-ci, comme pour le volet militaire, ne se fera pas sans mal. C’est une lutte continue qui est à prévoir, d’autant plus que les réserves financières disposées dans de nombreux pays par l’organisation tentaculaire fondamentaliste pourront permettre à des petits commandos terroristes, d’ici quelques années et après le démantèlement de sa structure en Irak et au Levant, de puiser les ressources nécessaires à l’organisation d’attentats terroristes, si ces fonds n’ont pas été démantelés préalablement.

Antoine CARENJOT

Syrie : rapport accablant pour le régime

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Les photos des victimes de torture. Source : HRW

Organisée à Moscou, la présentation du rapport de Human Rights Watch (HRW) apporte selon l’organisation des preuves d’exactions commises par le régime syrien sur des prisonniers.

Mercredi 16 décembre, l’ONG Human Rights Watch dévoilait à Moscou son rapport sur les tortures qui selon elle seraient commises à l’encontre de prisonniers du régime syrien. L’organisation, qui se donne pour objectif de défendre les droits de l’homme partout dans le monde, et de dénoncer des atteintes à ces mêmes droits de l’homme, s’appuie sur les images du photographe syrien César.

Le photographe du morbide

Sous ce pseudonyme se cache en fait un ancien photographe de la police syrienne qui a fait défection en emportant avec lui des dizaines de milliers de photos représentant des milliers de victimes, torturées puis exécutées par le régime. Chargé en mars 2011 de photographier les opposants au régimes torturés à mort, César voit passer devant son objectif jusqu’à cinquante corps par jours à l’hôpital militaire où il est assigné. Devant les horreurs auxquelles il assiste, il décide de passer à la résistance. Il fallut six mois pour mettre en place une filière chargée de transmettre les preuves photographiques, et quatre de plus pour exfiltrer César et sa famille de Syrie. Financée notamment par le Qatar, une mission est alors chargée de vérifier l’authenticité des images. Des médecins légistes estiment que les photos, au vu des actes qu’elles représentent, sont très probablement authentiques. Rendues publiques en 2013, elles font grand bruit, obligeant le président Syrien Bachar-al-Assad à réfuter les accusations en janvier 2014, évoquant des « allégations sans preuve ».

« Crimes contre l’humanité »

C’est justement ces preuves que Human Rights Watch estime apporter par la publication de son rapport. L’ONG révèle l’identité de huit des victimes décédées à la suite des tortures, de faim ou de maladies. Nadim Houry, directeur adjoint de HRW pour le proche Orient parle de « crimes contre l’humanité » en évoquant ces preuves publiées dans le rapport de 90 pages. Le responsable explique le peu de noms révélé par le manque de temps et de ressources, mais aussi par la difficulté à localiser des témoins pour le besoin de l’enquête. Sur les cinquante-trois mille photos à disposition de l’ONG, vingt-huit mille clichés représentent des morts en détention, dont des enfants. La publication de ce rapport mercredi 16 décembre est tout sauf une coïncidence : elle intervient deux jours avant un sommet international à New-York, qui pourrait permettre une reprise des négociations entre l’opposition et le régime syrien.

Le silence russe

Le fait que la présentation du rapport soit organisée à Moscou est tout sauf un hasard. Le soutien de Vladimir Poutine au régime en place ne faiblit pas depuis le début de la crise. C’est la raison pour laquelle il n’y avait pas de média pro-Poutine présent. Seule une agence était représentée. Les autres journalistes sur place étaient soit des opposants au régime, soit des correspondants étrangers. Nadim Houry a toutefois précisé qu’il avait rencontré des responsables russes qui ont « écouté et ont souhaité poursuivre la conversation ». La Russie est un acteur clé dans le conflit syrien actuellement, et la discussion intervenait au moment où un bilan de l’intervention était présenté devant le parlement russe. Les russes sont notamment accusés de viser des cibles civiles.

Guilhem Brachet

America is back ?

«America is back», l’Amérique est de retour. C’est le slogan simple et brutal  sur lequel Ronald Reagan avait bâti sa campagne et sa facile victoire, en 1980, contre Jimmy Carter, sympathique et doux rêveur à qui ses concitoyens ne pardonnaient pas d’avoir fait perdre à leur pays, sinon son statut, au moins son image de rempart du «monde libre» face à l’«empire du mal». Cette situation peut à nouveaux être transposée dans l’opinion publique américaine suite aux tragiques attentats du 13 novembre 2015 à Paris et à l’attaque qualifiée d’attentat par le FBI le 2 décembre 2014 à San Bernardino aux États Unis.

 

 

La fin de la « fatigue » américaine

Depuis ces deux attaques contre les meneurs de la coalition internationale contre Daech, l’opinion publique aux États Unis est devenue plus vindicative et moins prompt à critiquer l’intervention en Irak et en Syrie. L’opinion américaine est-elle en train d’évoluer sur la manière de lutter contre le groupe État islamique en Irak et en Syrie ? La stratégie de la Maison Blanche, «pas de troupes combattantes au sol», était jusque-là en total harmonie avec l’opinion publique, très hostile à un engagement sur le terrain, après 15 ans de conflit en Afghanistan et en Irak.

Les 1 600 hommes des forces spéciales qui sont aujourd’hui en Irak ont une mission de formation des troupes et de protection des installations américaines. Or, la position des faucons gagne du terrain dans l’opinion. Certains républicains, en effet, estiment que la guerre contre les terroristes ne se gagnera pas en se limitant à des raids aériens.

Plus de la moitié des Américains sont d’accord avec cette position d’après un sondage de la Maison Blanche, ce qui la met en porte à faux. Barack Obama estime que si des troupes doivent mener le combat au sol, celles-ci devront appartenir aux pays de la région. Mais cela ne semble plus convaincre les Américains de plus en plus préoccupés par la sécurité de leur pays et de leurs ressortissants.

Les États-Unis entament leur virage

En effet, suite aux attaques de Paris et de San Bernardino, l’armée américaine change radicalement de stratégie sur le terrain et se met à cibler le portefeuille de l’État islamique : ses réserves de pétrole et les flottes de camions le transportant, de plus, Barack Obama a décidé d’engager officiellement pour la première fois des troupes au sol en Syrie : ce ne sont que quelques soldats des forces spéciales américaines, environ une cinquantaine, qui sont déployés au Nord de la Syrie afin d’aider les combattants anti-Daech épars restants en Syrie. Cette opération est minime mais symbolise bien l’infléchissement de la politique de la Maison Blanche suite aux réactions de l’opinion publique qui se préoccupe plus du terrorisme que de l’économie intérieure. Enfin, le 4 décembre, Le chef du Pentagone a annoncé que Washington était prêt à intensifier le déploiement de forces spéciales en Syrie et en Irak.

 brets verts

 Des Bérets verts américains à l’entraînement, le 22 avril 2015 – SIPANY/SIPA

 

Les possibilités du Pentagone

Ces troupes pourraient être renforcées «là où nous trouverons de nouvelles opportunités de [les] développer», a affirmé le secrétaire à la Défense Ashton Carter devant la commission des forces armées de la Chambre des représentants.

En Irak, les États-Unis sont en train de déployer une unité des forces spéciales pour «aider les forces irakiennes et kurdes peshmergas» à mener des raids sur le terrain contre Daesh. «Ces forces spéciales seront à terme capables de conduire des raids, libérer des otages, obtenir du renseignement et capturer des responsables du groupe État islamique», a détaillé Ashton Carter. Cette unité « sera également en position de conduire des opérations unilatérales » en Syrie. Bien sûr, de tels exemples peuvent vouloir dire bien plus qu’il n’y parait au premier abord.

Emanuel Tychonowicz

 

La mondialisation du conflit avec Daech

l’occupation des territoires de la Syrie et d’Irak, les derniers attentats de Paris en novembre 2015, les menaces contre les différents pays du monde et la transformation du terrorisme en une guerre opérationnelle nécessitent un mouvement urgent contre une menace qui est devenue mondiale.

 

Carte imaginée par Daech pour ses territoires de futur, http://jcpa-lecape.org/wp-content/uploads/2014/09/isismap2.jpg 

Selon Pierre-Jean Luizard, Daech utilise une arme stratégique, c’est « l’internationalisation du conflit ».

L’EI a choisi de contrôler les territoires voisins de la Syrie, l’Arabie Saoudite et la Jordanie et impliquer l’Occident à travers la politique de pire et par atteindre aux droits des minorités et des droits de l’homme, et ça pour ne pas se contenter du territoire confessionnel sunnite contrôlé en Irak. Ces actes doivent être accompagnés par des attentats dans les pays en paix, à coté des propagandes de l’histoire des occupations occidentales pour présenter les musulmans comme les victimes historiques de l’Occident. Ce projet permet de dépasser les territoires régionaux et présenter l’EI comme un combattant des droits des musulmans contre l’Occident athée et occupant. Ce but a été atteint par la coalition militaire dirigée par les Etats-Unis contre l’EI.

Aussi, les derniers attentats de Paris en novembre 2015 montrent bien le désir des djihadistes de restituer le califat et imposer la charia islamique. La France a été visée, ce n’est pas seulement à cause de ses engagements militaire, mais aussi parce qu’elle incarne la notion de laïcité qui est hostile aux terroristes et fait allusion, selon eux, aux « jours sombres des musulmans », comme Atatürk quand il a aboli le califat, Nasser et les guerres contre les frères musulmans, Hafez Al-Assad et la répression des frères musulmans aussi, Saddam Hussein et d’autres. Dans leur carte, on voit clairement leur agenda et leur désir d’imposer la charia sur l’Europe et les différents territoires que les musulmans occupaient avant, d’où vient les menaces des différents pays du Moyen-Orient et d’Europe. C’est une pensée très grave qui montre leur projet de l’avènement d’un califat mondial.

Invitation des « croisées » au combat :

Daech diffuse de temps en temps des filmes et des vidéos traduits sur ses deux cellules de communication, Al-Fourqan, canal officiel, et Al Hayat lié au cyber djihad, pour recruter les gens (les moudjahidines, ceux qui font le Djihad) et inviter les gens occidentaux à rejoindre leurs frères au djihad. Par ces filmes sur la méthode hollywoodienne Daech cherche à impliquer l’occident dans les combats. Comme a dit le Jihadi John avec la tête coupé de Peter Kassig :  « nous voilà en train d’enterrer le premier croisé américain à Dabiq. Et nous attendons avec impatience l’arrivée de vos autres soldats pour qu’ils soient égorgés et enterrés ici même ».

Pierre-Jean Luizard commente sur la vidéo : « Dans ce film, le masque tombe et le double discours est révélé : ce que cherche l’État Islamique, ce n’est pas à obtenir la fin des interventions militaires occidentales, mais au contraire à les provoquer. Cette fois-ci Jihadi John, comme il a été surnommé, invite presque l’armée américaine et prévient qu’elle trouvera à Dabiq sa fin ». Dabiq est une ville située au nord de la Syrie. Selon l’Islam c’est là où va dérouler la dernière guerre apocalyptique entre les forces du bien (les musulmans) et les forces de mal (les mécréants) le Jour de Jugement.

De plus en plus, on parle des membres clandestins de Daech dans les différents pays arabes et européens, ce qui ne laisse pas beaucoup de temps pour agir et faire face contre cette menace internationale. le grand nombre des combattants étrangers de différentes nationalités facilitent leur transport et leur infiltration dans les différents pays visés ; par exemple, le nombre des combattants français avec Daech est estimé entre 1200 et 1300, selon général Castres.

Les jours qui viennent semblent un peu sombres pour l’instant, avec un « État » qui devient de plus en plus fort sans une intervention envisagée au sol par les pays occidentaux qui ont choisi les frappes d’aviation qui, apparemment et par des déclarations des leaders occidentaux, n’arrivent pas à éradiquer ce danger représenté par des diables en forme humaine. Les simples frappes d’aviation de semblent pas être suffisantes, mêmes si les russes ont bien compris que même avec ces frappes intensives, ce n’est pas suffisant, par déclaration de Poutine lui-même. Alors, il est clair que sans une intervention au sol d’une armée au moins équivalente, il est difficile de combattre ces terroristes bien organisés et bien formés, qui ont menacé plusieurs pays dans le monde. Les leçons de l’histoire nous approuvent que la barbarie va être battu par la démocratie et la lutte des peuples pendant des siècles pour avoir sa liberté.

 

L’annonce de Vienne: un tournant dans la crise syrienne

La réunion de Vienne a fini ses actions à l’accord de 17 États, les Nations Unis et l’Union Européenne sur neufs points qui forment les principes de la solution politique d en Syrie.

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AFP, Réunion de Vienne autour de la crise syrienne, le 22 octobre 2015

 De ces principes, il y a l’unité et l’indépendance de la Syrie, le maintien de son identité séculaire, sauvegarder les institutions d’État, la formation d’un nouveau gouvernement crédible, mettre une nouvelle constitution, faire de nouvelles élections et un déploiement d’un cesse-feu dans tout le pays sauf conte les groupes terroristes. Néanmoins, les participants à la conférence ont convenu à ne pas convenir sur les points controversés, notamment le destin d’Al Assad, et l’ajournement de ces discussions pour une autre étape. Pour la première fois, il y avait la participation des forces régionales et internationales désaccordés autour de la Syrie sur la même table, y compris l’Iran qui était toujours exclu de ces réunions concernant la Syrie ; et pour la première fois il y a une sorte d’accord politique vis-à-vis de la Syrie ; et pour la première fois encore, les syriens étaient exclus d’une telle réunion concernant leur pays…

Mais les plus importantes évolutions sur la scène internationale sont venues de l’extérieur de la réunion de Vienne :

  1. l’allusion de l’Iran à sa préférence d’une période transitoire de six mois, suivie d’élections pour déterminer le destin d’Al Assad, malgré la négation d’Émir Abd Al-Lahian, l’adjoint ministre iranien des affaires étrangères, de ces paroles. Alors que la négation iranienne peut-être nécessaire pour des raisons diplomatiques, mais l’approbation de l’Iran de déterminer une période transitoire est considérée comme une nouvelle attitude.
  2. La surprise de Moscou : l’adjoint ministre russe des affaires étrangères, Michael Bogdanov, a annoncé avant le début de la réunion que Moscou et Riad ont échangé des listes des personnalités de l’opposition syrienne qui peuvent participer dans les négociations avec le gouvernement syrien, y compris l’Armée Syrienne Libre et les Kurdes.

Le ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius a dit :  « nous avons convenu de certains points, notamment le mécanisme transitoire, la conduite des élections, la manière de tous organiser et le rôle des Nations Unis » ; Serguï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères a affirmé « la présence d’un dénominateur commun avec lequel on peut combler les différences », et la haute représentante des affaires étrangères de l’Union Européenne, Federica Mogherini, a dit : « la réunion n’était pas facile mais elle était historique ».

Il est claire que les participants, notamment la Russie et les Etats-Unis, ont décidé de finir les affaires faciles puis les plus difficiles et finir à chaque fois un certain niveau des niveaux de solution, notamment concernant le destin d’Al Assad.

 

La mondialisation du conflit syrien

La guerre en Syrie, déclenchée depuis plus de quatre ans et demi, a fait intervenir plusieurs acteurs internationales selon des intérêts soient politiques, économiques, militaires ou même géopolitiques.

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Les différents acteurs en Syrie, Gazeta  7 juin 2013

 

Tout d’abord, il existe trois types de guerres en Syrie :

  1. La guerre civile : cette guerre est entre les différentes populations de la Syrie ; autrement dire, entre l’opposition et le régime représenté par le président Bashar Al-Assad. En général, tous les opposants du régime sont sunnites, alors que toutes les minorités en Syrie se regroupent autour de lui comme la garantie de leurs droits et leurs vies, parce qu’ils ne sont pas acceptées vis-à-vis de l’islamisme montant lié aux opposants.
  2. La guerre sunnite-chiite : cette guerre est représentée par le conflit indirect entre les pays du Golfe de majorité sunnites, notamment l’Arabie Saoudite et le Qatar d’un coté, et l’Iran chiite de l’autre coté, sans oublier bien sûr le rôle turque favorable à l’opposition islamiste. Chacun de ces cotés veut imposer sa domination sur la région. L’Arabie Saoudite a fait face à la puissance iranienne montante dans la région et le croissant chiite représenté par l’Iran, l’Iraq, les alaouites en Syrie qui sont une branche du chiisme et le Hezbollah au Liban qui a reconnu l’envoi des troupes chiites en Syrie. C’est pour ça que l’Arabie Saoudite et le Qatar ont toujours soutenu l’opposition sunnite et les islamistes en Syrie, alors que l’Iran a toujours défendu son allié à Damas.
  3. La guerre Orient-Occident : La Syrie est devenu le point central autour du quel se déroule une sorte de conflit entre les deux axes du monde ; les Etats-Unis et l’Europe d’un coté, qui sont favorable à une transition du pouvoir et invitent au réarmement de l’opposition, et la Russie de Poutine, la Chine et l’Iran de l’autre coté, alliés du régime syrien. Ce débat se voit évident au sein de l’ONU avec les Vetos russo-chinois contre toute résolution contre le régime syrien. Ce conflit incarné maintenant par l’intervention de l’aviation russe en Syrie et l’envoi du seul porte-avion chinois en Méditerranée ; bien sûr aussi par les troupes d’Iran et de Hezbollah qui y existent déjà depuis quelques années. La Russie veut défendre sa base militaire à Tartous, garder le seul accès aux eaux chaudes et d’autres raisons géopolitiques. La Chine, qui a beaucoup moins d’intérêts en Syrie que la Russie mais elle défend l’idée de multipolarité contre l’unipolarité représentée par les Etats-Unis comme la police du monde.

Alors, faut-il attendre une troisième guerre mondiale par rapport au conflit syrien et les différents acteurs qui en profitent ? Là, on sait pas. De toute façon, on voit clairement un conflit local qui est devenu régional puis mondial.

Retour sur le discours de Vladimir Poutine à l’ONU

« Est ce que vous comprenez ce que vous avez fait ? », telle est la remarque du président russe Vladimir Poutine le 28 septembre 2015 à l’occasion des 70 ans de la création de l’ONU. Cette phrase à reçue un tonnerre d’applaudissement de la part des pays de ce que l’on appelait « le Tiers Monde » et exprime la position de la politique étrangère russe face à celle des autres puissances, notamment celle de la France et bien sûr celle des États-Unis.

 

De la multipolarité du monde

Ce discours est d’autant plus important qu’il exprime une vérité fondamentale que les États « occidentaux » se refusaient à admettre : ils n’ont plus la maitrise des affaires internationales. Depuis 2003 et la seconde Guerre du Golfe, le monde n’est plus celui de l’unique puissance américaine mais est un monde multipolaire particulièrement grâce aux actions chinoises et russes à l’ONU. Il explique cela par le fait que « le droit de veto a toujours été appliqué par tous les membres du Conseil de Sécurité. C’est normal. Au moment de la création de l’ONU, on ne comptait pas sur l’unanimité mais sur la recherche de compromis ». Il ajoute que la pensée unique est néfaste pour la sécurité mondiale comme l’Histoire l’avait déjà montré de nombreuses fois et que si cette pensée unique tendait à se développer cela provoquerait l’effondrement de l’ONU et du droit international. Il ajoute que « Il y aura moins de libertés, plus d’États indépendants mais des protectorats gérés de l’extérieur » et donc un retour à la situation de la SDN d’avant la seconde Guerre mondiale.

 

Le président russe lors de son discours devant l'Assemblée générale de l'ONU le 29 septembre 2015

Le président russe lors de son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU le 29 septembre 2015

La crise syrienne comme exemple

Afin d’appuyer ses dires, Vladimir Poutine va prendre pour exemple la situation syrienne et irakienne. Irak dont il reproche l’anéantissement des institutions par les États-Unis en 2003 et de fait l’apparition de zone de non-droits en Irak, en Syrie et en Libye (à cause de l’intervention française). Il demande la création d’une coalition contre l’État islamique mais en y intégrant le régime de Damas. Il dit que « …c’est une erreur de refuser de soutenir les autorités syriennes qui se battent : seuls Assad et les Kurdes se battent réellement contre le terrorisme ». On connaissait déjà la position russe vis-à-vis de Damas mais la nouveauté ici c’est la mention et la pseudo-reconnaissance du combat kurde et de fait une condamnation des agissements du gouvernement turc qui sous couvert d’actions anti-Daesh, entre à nouveau en conflit avec les Kurdes. Vladimir Poutine est clair sur les principes à adopter : « Respecter ce qui se fait dans le cadre de l’ONU et rejeter le reste. Nous devons aider la Libye, l’Irak et les autorités légitimes en Syrie. Nous devons créer une sécurité indivisible ». Tant que les pays comme les États-Unis ou des pays européens auront l’illusion qu’ils peuvent ne pas s’appliquer les règles qu’ils veulent faire appliquer aux autres, aucune sécurité internationale n’est possible: soit il y aura un cadre permettant une sécurité globale soit il y aura une multiplication de conflits locaux, avec toutes les conséquences que ces derniers impliquent.

Emanuel T.