Un accord de paix historique pour la Colombie

Cet accord scellé mercredi à Cuba avec la guérilla des Farc après quatre ans de dures négociations vise à mettre un point final à un conflit de 52 ans qui a fait des centaines de milliers de victimes.. Au terme de près de quatre ans d’âpres négociations à La Havane, les parties se sont entendues sur « un accord final, intégral et définitif » qui devra être soumis à référendum le 2 octobre prochain avant d’entrer en vigueur

Un accord historique

Cet accord sur les six points de l’agenda des pourparlers est voué à « mettre définitivement fin à un conflit armé de plus de 50 ans », indique un texte signé par les négociateurs. Il marque aussi la clôture officielle des pourparlers menés depuis novembre 2012 à La Havane sous l’égide de Cuba et la Norvège. « On peut maintenant proclamer que le combat des armes a pris fin, et commence celui des idées », a réagi peu après l’annonce le chef négociateur et numéro 2 des Farc Ivan Marquez, évoquant la future transformation de la guérilla en mouvement politique.

Depuis Bogota, le président colombien Juan Manuel Santos s’est félicité avec « une profonde émotion, une grande joie » de la conclusion de l’accord et a salué la fin de « la tragédie de la guerre ». En Colombie, l’annonce faite à Cuba a été accompagnée de manifestations de joie. « On a pu le faire! On a pu le faire! », se réjouissaient sur les réseaux sociaux et dans les rues de Bogota les habitants.

A Washington, la Maison blanche a annoncé que le président Barack Obama avait appelé son homologue colombien pour le féliciter en ce « jour historique ». Les Etats-Unis financent depuis février un plan de paix de 450 millions de dollars en Colombie.

GUILLERMO LEGARIA / AFP

Manifestation après la signature de l’accord de paix, à Bogota, le 24 août. GUILLERMO LEGARIA / AFP

Un très lourd bilan

Quatrième tentative de paix depuis le début du plus ancien conflit du continent en 1964, ce processus a failli couler à plusieurs reprises. Mais un dénouement favorable était attendu depuis le 23 juin dernier, lorsque la guérilla communiste et le gouvernement ont conclu un accord portant sur un cessez-le-feu bilatéral et définitif et sur le désarmement des Farc.

Au cours des mois ayant précédé cet accord, les affrontements avaient été contenus à un niveau jamais atteint depuis des décennies, notamment à la faveur d’un cessez-le-feu observé par les Farc depuis juillet 2015.

Une fois l’accord de paix final validé, la rébellion doit commencer à réunir ses troupes pour les désarmer. Le cessez-le-feu devra être contrôlé par un mécanisme tripartite comprenant le gouvernement, les Farc et une mission de l’ONU.  Selon le protocole établi, le désarmement des Farc devra être bouclé en 180 jours. Les deux parties se sont aussi mises d’accord sur la façon de juger les militaires et rebelles accusés des crimes les plus graves pendant un conflit qui a officiellement fait quelque 260 000 morts, 45 000 disparus et 6,9 millions de déplacés. Une amnistie est prévue pour ceux ayant commis des actes moins graves comme la rébellion ou le port illégal d’armes.

Emanuel Tychonowicz

L’affrontement fratricide libyen face à l’EI

C’est un des scénarios que redoutait la communauté internationale. Alors que la guerre contre l’organisation Etat islamique à Syrte n’est pas encore achevée, quatre mois après son déclenchement, le gouvernement d’union nationale de Sarraj basé à Tripoli et soutenu par les Occidentaux, est désormais engagé sur un nouveau front : le « croissant pétrolier », à l’est de Syrte, un axe de terminaux par où transite environ la moitié du pétrole libyen exporté. Dimanche dernier, les forces du général Haftar, le chef de l’Armée nationale libyenne (ANL) qui contrôle l’essentiel de la Cyrénaïque et refuse de reconnaître l’autorité de M. Sarraj, ont conquis les principaux ports de transport du pétrole à l’issue d’une attaque éclair.

Le général Khalifa Haftar. AFP/-

Le général Khalifa Haftar. AFP/-

Une production qui reste minime mais au cœur des stratégies

La conquête du croissant pétrolier, dont les installations sont en fait fermées depuis l’été 2013, constitue un défi majeur lancé par le général Haftar au gouvernement de Tripoli soutenu par les Nations unies. Le croissant était jusqu’alors contrôlé par la Garde des installations pétrolières, une milice locale commandée par un chef de guerre local issu du mouvement fédéraliste de la Cyrénaïque, un courant autonomiste dénonçant l’appropriation des ressources pétrolières de l’Est par les autorités centrales de Tripoli, ce chef,  Jadhran s’était initialement rallié au général Haftar lors de l’éclatement du conflit.

Mais la relation entre les deux hommes se sont ensuite détériorée. Au printemps, Jadhran avait prêté allégeance au gouvernement d’union nationale de Faïez Sarraj, alors même que le général Haftar le dénonçait comme illégal. En juillet, les nouvelles autorités de Tripoli et M. Jadhran ont conclu un accord prévoyant la reprise des activités d’exportation du brut à partir des terminaux pétroliers. L’accord était vital à la survie du gouvernement de M. Sarraj, en quête désespérée de ressources financières alors que l’aggravation des difficultés quotidiennes (coupures d’électricité, chute du dinar, inflation…). Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, l’industrie pétrolière nationale s’est littéralement effondrée. La production n’atteint plus désormais que 200 000 barils par jour – soit environ dix fois moins qu’avant 2011.

L’offensive du général Haftar au cœur du croissant pétrolier met en péril cette stratégie de survie du gouvernement Sarraj. Elle défie aussi ouvertement les efforts des Nations unies visant à faire avaliser la tutelle du gouvernement de Tripoli par le camp du général Haftar. Les 5 et 6 septembre, à Tunis, des discussions ont été amorcées dans le but d’instituer un conseil militaire rassemblant les différentes forces de l’Est et de l’Ouest.

Une armée qui reste divisée face à l’EI

Aux yeux de l’ONU, la reconstruction d’une armée nationale est indispensable pour une stratégie efficace de lutte contre l’organisation Etat islamique en Libye. C’est pourtant le contraire qui est en train de se produire. A Benghazi, le général Haftar conduit sa propre guerre contre des noyaux djihadistes, sans doute avec le concours clandestin des forces spéciales françaises dont trois soldats ont été tués en juillet. A Syrte, c’est une coalition de milices et de brigades de la Tripolitaine, principalement Misrata, affiliées au gouvernement de M. Sarraj qui est sur le point de reconquérir une cité dont l’EI avait fait sa place forte en Afrique du Nord depuis le début de l’année 2015.

En ouvrant un nouveau front dans le croissant pétrolier contre le gouvernement Sarraj, le général Haftar menace d’affaiblir de facto l’offensive anti-EI. Si les forces de Misrata devaient en effet étendre leurs opérations pour reprendre possession des oléoducs, il en résulterait forcément un relâchement de leur engagement à Syrte.

Emanuel Tychonowicz

 

Un pèlerinage sous fond de politique

Près d’un million et demi de fidèles ont afflué à La Mecque en Arabie saoudite  ce jeudi pour accomplir le pèlerinage, qui se déroule du 10 au 14 septembre. Mais cette année, le pèlerinage, où près de deux millions de personnes vont se retrouver, a lieu dans une ambiance tendue.

La ville sainte garde le souvenir du mouvement de foule meurtrier de l’an dernier où presque 2200 personnes ont perdu la vie, d’après les chiffres publiés par les gouvernements des pays d’origine des victimes. Ces informations ont été démenties par l’Arabie saoudite qui parle plutôt de 800 décès. Cet accident marque encore les relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran, pays qui a eu le plus de victime.Et même si des mesures de sécurité ont été mises en place, les Iraniens ne pourront pas participer au pèlerinage faute d’accord trouvé avec l’Arabie saoudite. Une première depuis trois décennies.

ouest-france.fr

La foule autour de la Kaaba durant le Hadj, ouest-france.fr

Échange de mots violent entre l’Iran et l’Arabie saoudite

L’ayatollah Khamenei, guide suprême iranien chiite, a reçu mercredi les familles des pèlerins iraniens morts il y a un an. Il en a profité pour lancer de violentes attaques contre son ennemi, l’Arabie saoudite sunnite. L’Iran « ne pardonnera jamais pour le sang versé de ces martyrs », a déclaré mercredi le président iranien, Hassan Rohani. Les deux plus hauts responsables iraniens reprochent notamment aux dirigeants saoudiens de n’avoir jamais présenté d’excuses pour les morts de la catastrophe et de refuser d’autoriser une commission d’enquête islamique internationale.

En réponse, l’Arabie saoudite a condamné ces déclarations. Les propos d’Ali Khamenei sont « une claire incitation et une tentative désespérée de politiser le rite » du pèlerinage, a ainsi dénoncé mercredi le secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe. Le grand mufti saoudien, cheikh Abdel Aziz al-Cheikh, a affirmé que les Iraniens « ne sont pas des musulmans ». Cette violente passe d’armes intervient alors qu’en mai, l’Iran avait fait savoir que les Iraniens ne pourraient pas se rendre à La Mecque cette année, invoquant la mauvaise volonté du gouvernement saoudien. Les négociations entre l’Iran et l’Arabie ont notamment échoué en raison de l’absence d’indemnisation pour les familles des Iraniens morts dans le mouvement de foule de 2015.

Le ministre saoudien des affaires étrangères avait reproché à l’Iran d’avoir exigé des conditions « inacceptables » à la participation d’Iraniens cette année. Vendredi, plusieurs milliers d’Iraniens sont allés manifester dans les rues de Téhéran pour protester contre leur exclusion du pèlerinage. Les manifestants montraient leur hostilité face aux dirigeants saoudiens.

Sécurité renforcée après une année 2015 sanglante

C’était l’épisode le plus tragique depuis vingt-cinq ans pour le pèlerinage de La Mecque. La rencontre entre deux flux de pèlerins, l’un quittant le site saint, l’autre arrivant en sens inverse, a provoqué une catastrophe au bilan extrêmement lourd.

Le surnombre de fidèles, qui accèdent au site par des tunnels et des voies suspendues, a souvent engendré des accidents. En 2006, 360 pèlerins étaient morts dans une bousculade. Et en 1990, 1 400 personnes sont mortes piétinées. Pour éviter de nouveaux mouvements de foules, l’Arabie saoudite a renforcé ses mesures de sécurité. Les pèlerins seront ainsi équipés d’un bracelet électronique, qui contiendra notamment leurs données médicales, la date d’entrée dans le royaume ou encore le numéro du passeport.

C’est une manière pour Khamenei de mettre une pression supplémentaire compte tenu des tensions entre les deux pays. L’Arabie saoudite n’entretient plus de relations avec l’Iran depuis l’attaque de son ambassade à Téhéran le 2 janvier dernier par des manifestants iraniens, en signe de contestation contre l’exécution de l’imam chiite saoudien Baqr al-Nimr. La rupture paralyse une région en proie à de nombreux conflits, la privant de négociations pourtant indispensables. Cette léthargie agit sur le hadj, certes, mais également et surtout sur la situation en Syrie, au Yémen et en Irak, où les bilans des différents conflits continuent de s’aggraver.

Emanuel Tychonowicz

L’accord de l’ONU à propos du cas Syrien

Enfin, un semblant d’accord voit le jour malgré encore quelques dissensions. En quatre ans et demi de guerre, jamais le Conseil de sécurité de l’ONU n’avait réussi à se mettre d’accord sur une sortie de crise politique en Syrie. Mais sur le fond, la résolution pour un processus de paix en Syrie a été votée à l’unanimité par les 15 membres du Conseil ce vendredi 18 décembre. Néanmoins, la question de la gouvernance de la Syrie d’après-guerre reste entière.

 

Élections dans les dix-huit mois

Le texte qui a été adopté en fin de journée prévoit la mise en place d’une transition politique avec un calendrier précis. Après six mois, le processus doit établir « une gouvernance crédible » veillant à la préservation des institutions et qui se devra d’écrire une nouvelle Constitution. Des élections « libres et justes » doivent être organisées sous la supervision de l’ONU dans les dix-huit mois. Sur proposition française, la résolution exige l’application immédiate de mesures de confiance humanitaires, telles que la fin des bombardements indiscriminés, la protection des civils ainsi que des installations et personnels médicaux.

Ce cessez-le-feu ne met pas fin à la guerre. Il « ne s’appliquera pas aux actions offensives et défensives » contre l’organisation État islamique (EI) et le Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, menées notamment par la coalition internationale de lutte contre l’EI. John Kerry a d’ailleurs à nouveau invité la Russie à concentrer ses frappes sur ces groupes terroristes, et non sur l’opposition anti-Assad soutenue par Washington et ses alliés.

Les points de divergence restent nombreux et l’incertitude demeure sur la possibilité de transformer le consensus obtenu sur le papier en réel changement sur le terrain. John Kerry s’est dit « sans illusions sur les obstacles qui existent… surtout sur l’avenir du président Assad ». Aucune mention n’est faite dans le texte du sort de Bachar Al-Assad, sur lequel la Russie et l’Iran ont bloqué toute discussion explicite.

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Vue d’ensemble de la réunion du Groupe international d’appui pour la Syrie (ISSG) à New York. Photo ONU/Cia Pak

« Identifier les terroristes »

Même dans l’éventualité où M. Assad n’était pas écarté du pouvoir lors de la transition, la participation prévue des Syriens réfugiés à l’étranger à une élection supervisée par l’ONU pourrait signer sa défaite.

L’accord laisse également entière la question de la composition de la délégation de l’opposition qui ira négocier face au régime. La conférence qui a réuni un large spectre de l’opposition politique et militaire syrienne à Riyad, du 9 au 11 décembre doit« être un pilier des négociations et asseoir le socle du dialogue intersyrien » d’après la France. Mais Damas, Moscou et Téhéran ont vivement critiqué cette initiative saoudienne et dénoncent la présence en son sein de groupes « terroristes ». Cette liste, qui inclut uniquement à ce stade l’EI et le Front Al-Nosra, est encore loin d’être finalisée. La Jordanie a présenté un document qui contiendrait, de source diplomatique, « une centaine de noms ».

Les vives discussions attendues sur la composition de ces deux listes compromettent déjà la tenue du calendrier de transition. Les invitations pourraient être lancées début janvier, a estimé M. de Mistura, pour une première rencontre courant ou fin janvier. L’interrogation subsiste sur la volonté dans les deux camps de se retrouver à la même table, bien que John Kerry ait dit avoir obtenu mardi à Moscou l’assurance du président Vladimir Poutine que Bachar Al-Assad était « prêt à collaborer à une transition politique et à adhérer au principe d’une élection ».

Emanuel Tychonowicz

America is back ?

«America is back», l’Amérique est de retour. C’est le slogan simple et brutal  sur lequel Ronald Reagan avait bâti sa campagne et sa facile victoire, en 1980, contre Jimmy Carter, sympathique et doux rêveur à qui ses concitoyens ne pardonnaient pas d’avoir fait perdre à leur pays, sinon son statut, au moins son image de rempart du «monde libre» face à l’«empire du mal». Cette situation peut à nouveaux être transposée dans l’opinion publique américaine suite aux tragiques attentats du 13 novembre 2015 à Paris et à l’attaque qualifiée d’attentat par le FBI le 2 décembre 2014 à San Bernardino aux États Unis.

 

 

La fin de la « fatigue » américaine

Depuis ces deux attaques contre les meneurs de la coalition internationale contre Daech, l’opinion publique aux États Unis est devenue plus vindicative et moins prompt à critiquer l’intervention en Irak et en Syrie. L’opinion américaine est-elle en train d’évoluer sur la manière de lutter contre le groupe État islamique en Irak et en Syrie ? La stratégie de la Maison Blanche, «pas de troupes combattantes au sol», était jusque-là en total harmonie avec l’opinion publique, très hostile à un engagement sur le terrain, après 15 ans de conflit en Afghanistan et en Irak.

Les 1 600 hommes des forces spéciales qui sont aujourd’hui en Irak ont une mission de formation des troupes et de protection des installations américaines. Or, la position des faucons gagne du terrain dans l’opinion. Certains républicains, en effet, estiment que la guerre contre les terroristes ne se gagnera pas en se limitant à des raids aériens.

Plus de la moitié des Américains sont d’accord avec cette position d’après un sondage de la Maison Blanche, ce qui la met en porte à faux. Barack Obama estime que si des troupes doivent mener le combat au sol, celles-ci devront appartenir aux pays de la région. Mais cela ne semble plus convaincre les Américains de plus en plus préoccupés par la sécurité de leur pays et de leurs ressortissants.

Les États-Unis entament leur virage

En effet, suite aux attaques de Paris et de San Bernardino, l’armée américaine change radicalement de stratégie sur le terrain et se met à cibler le portefeuille de l’État islamique : ses réserves de pétrole et les flottes de camions le transportant, de plus, Barack Obama a décidé d’engager officiellement pour la première fois des troupes au sol en Syrie : ce ne sont que quelques soldats des forces spéciales américaines, environ une cinquantaine, qui sont déployés au Nord de la Syrie afin d’aider les combattants anti-Daech épars restants en Syrie. Cette opération est minime mais symbolise bien l’infléchissement de la politique de la Maison Blanche suite aux réactions de l’opinion publique qui se préoccupe plus du terrorisme que de l’économie intérieure. Enfin, le 4 décembre, Le chef du Pentagone a annoncé que Washington était prêt à intensifier le déploiement de forces spéciales en Syrie et en Irak.

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 Des Bérets verts américains à l’entraînement, le 22 avril 2015 – SIPANY/SIPA

 

Les possibilités du Pentagone

Ces troupes pourraient être renforcées «là où nous trouverons de nouvelles opportunités de [les] développer», a affirmé le secrétaire à la Défense Ashton Carter devant la commission des forces armées de la Chambre des représentants.

En Irak, les États-Unis sont en train de déployer une unité des forces spéciales pour «aider les forces irakiennes et kurdes peshmergas» à mener des raids sur le terrain contre Daesh. «Ces forces spéciales seront à terme capables de conduire des raids, libérer des otages, obtenir du renseignement et capturer des responsables du groupe État islamique», a détaillé Ashton Carter. Cette unité « sera également en position de conduire des opérations unilatérales » en Syrie. Bien sûr, de tels exemples peuvent vouloir dire bien plus qu’il n’y parait au premier abord.

Emanuel Tychonowicz

 

Le « Skynet » de Terminator est réalité

En mai 2014, l’ancien chef des services de renseignements américain, Michael Hayden déclara lors d’une conférence « Oui, nous tuons des gens en nous basant sur des métadonnées », il faisait alors sans doute référence au logiciel nommé Skynet. C’est le site lanceur d’alerte The Intercept via des informations d’Edward Snowden qui dévoile l’utilisation de ce programme à des fins d’espionnage mais aussi aux fins plus controversées de l’assassinat dans la lutte anti-terroriste.

Le fonctionnement de ce logiciel

Skynet fonctionne sur la base du stockage de métadonnées, principalement les données de localisation et de communications de personnes vivant sur le terrain d’essai de ce logiciel : le Pakistan, qui est une cible pour les Etats-Unis car étant répertorié comme un vivier du terrorisme. Ces métadonnées dont ensuite recoupées par divers algorithmes qui détectent des comportements de type djihadistes ainsi que des « schémas suspects » qui trahiraient l’appartenance à une organisation terroriste. Ce programme se concentre particulièrement sur 3 aspects: les schémas et les habitudes d’utilisation du téléphone, le réseau de contacts, et les trajets du propriétaire, qui est géolocalisé via la puce GPS présente dans la carte SIM du mobile. Il suit les personnes suspectes puis alerte les autorités si le fait est avéré (d’après la logique du programme). Parmi les utilisations qui font rentrer dans la catégorie suspect, il y a par exemple les personnes qui n’utilisent pas leur mobile, à part pour recevoir des appels entrants. Ceux qui changent régulièrement de carte SIM ou qui éteignent leur mobile et enlèvent leur batterie un peu trop souvent…
L’algorithme intègre des lieux suspects et enregistre les personnes qui les visitent régulièrement, ou qui y étaient présents à des moments précis. Il scanne également les gens qui ne voyagent que de nuit. Ceux qui sont en déplacement constant, qui font de fréquents trajets aux environs des aéroports… Ou qui voyagent en compagnie d’autres suspects, ou qui les rencontrent régulièrement.

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Drone Predator en action / U.S. Air Force photo

Les dérives informatiques

Skynet, de par sa sophistication, peut faire rêver pour le futur de l’Humanité en tant qu’intelligence artificielle évoluée. Mais comme toute IA, il arrive parfois que le logiciel plante ou ne fasse pas le tri convenablement, en effet l’exemple le plus criant de ces erreurs est le journaliste Ahmad Zaidan, travaillant pour la chaine Al Jazeera et reporter en milieu taliban et terroriste. Or Skynet travaille de concert avec l’ensemble des drones américaines afin d’éliminer d’éventuelles menaces En envoyant au drone les coordonnées GPS de la carte SIM du présumé terroriste. Or combien d’innocents sont aujourd’hui fichés et qui, du jour au lendemain, peuvent être la cible d’un drone Predator américain ? Edward Sowden, le fameux lanceur d’alerte, explique que le programme peut facilement être contourné voir même retourné. Or, dans un monde où les cyber-attaques se multiplient et où certains hackeurs semblent supérieurs aux sécurités informatiques actuelles, Snowden s’exprime en disant que la menace ne vient pas des conflits éloignés mais dans cette armée de drones, qui, via Skynet seraient à même de semer le chaos si Skynet venait à être piraté.

Emanuel Tychonowicz

Retour sur le discours de Vladimir Poutine à l’ONU

« Est ce que vous comprenez ce que vous avez fait ? », telle est la remarque du président russe Vladimir Poutine le 28 septembre 2015 à l’occasion des 70 ans de la création de l’ONU. Cette phrase à reçue un tonnerre d’applaudissement de la part des pays de ce que l’on appelait « le Tiers Monde » et exprime la position de la politique étrangère russe face à celle des autres puissances, notamment celle de la France et bien sûr celle des États-Unis.

 

De la multipolarité du monde

Ce discours est d’autant plus important qu’il exprime une vérité fondamentale que les États « occidentaux » se refusaient à admettre : ils n’ont plus la maitrise des affaires internationales. Depuis 2003 et la seconde Guerre du Golfe, le monde n’est plus celui de l’unique puissance américaine mais est un monde multipolaire particulièrement grâce aux actions chinoises et russes à l’ONU. Il explique cela par le fait que « le droit de veto a toujours été appliqué par tous les membres du Conseil de Sécurité. C’est normal. Au moment de la création de l’ONU, on ne comptait pas sur l’unanimité mais sur la recherche de compromis ». Il ajoute que la pensée unique est néfaste pour la sécurité mondiale comme l’Histoire l’avait déjà montré de nombreuses fois et que si cette pensée unique tendait à se développer cela provoquerait l’effondrement de l’ONU et du droit international. Il ajoute que « Il y aura moins de libertés, plus d’États indépendants mais des protectorats gérés de l’extérieur » et donc un retour à la situation de la SDN d’avant la seconde Guerre mondiale.

 

Le président russe lors de son discours devant l'Assemblée générale de l'ONU le 29 septembre 2015

Le président russe lors de son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU le 29 septembre 2015

La crise syrienne comme exemple

Afin d’appuyer ses dires, Vladimir Poutine va prendre pour exemple la situation syrienne et irakienne. Irak dont il reproche l’anéantissement des institutions par les États-Unis en 2003 et de fait l’apparition de zone de non-droits en Irak, en Syrie et en Libye (à cause de l’intervention française). Il demande la création d’une coalition contre l’État islamique mais en y intégrant le régime de Damas. Il dit que « …c’est une erreur de refuser de soutenir les autorités syriennes qui se battent : seuls Assad et les Kurdes se battent réellement contre le terrorisme ». On connaissait déjà la position russe vis-à-vis de Damas mais la nouveauté ici c’est la mention et la pseudo-reconnaissance du combat kurde et de fait une condamnation des agissements du gouvernement turc qui sous couvert d’actions anti-Daesh, entre à nouveau en conflit avec les Kurdes. Vladimir Poutine est clair sur les principes à adopter : « Respecter ce qui se fait dans le cadre de l’ONU et rejeter le reste. Nous devons aider la Libye, l’Irak et les autorités légitimes en Syrie. Nous devons créer une sécurité indivisible ». Tant que les pays comme les États-Unis ou des pays européens auront l’illusion qu’ils peuvent ne pas s’appliquer les règles qu’ils veulent faire appliquer aux autres, aucune sécurité internationale n’est possible: soit il y aura un cadre permettant une sécurité globale soit il y aura une multiplication de conflits locaux, avec toutes les conséquences que ces derniers impliquent.

Emanuel T.