Le 16 avril dernier, la visite du président de la République au Liban venait réveiller les mémoires et l’Histoire. Celle politique, économique, militaire et culturelle qui s’est écrite entre la Liban et la France depuis que son autonomie de 1961 fut garantie par la France : « Aujourd’hui, comme hier, la France se tient aux côtés du Liban, (…) notamment en raison des liens historiques et linguistiques », selon les mots de François Hollande, qui vante cette relation particulière qu’entretiennent les deux pays. Toutes ses considérations politiques font surgir une interrogation : quels liens entretiennent exactement la France et le Liban aujourd’hui ?
2 jours pour un soutien du Liban
La venue de François Hollande ? Ce furent 2 jours pour parler aux responsables à la tête d’un système politique corrompu; 2 jours pour évoquer la crise institutionnelle et politique que traverse le Liban, qui sort à peine d’une crise des ordures, encore non résolue. 2 jours pour soutenir la mise en place d’un président de la République, dont le poste est vacant depuis deux ans, en ces termes : «Nous n’avons qu’un candidat, c’est le Liban lui-même ». 2 jours ensuite, pour une aide de 50 millions cette année afin de faire face à une crise migratoire qui dure depuis 4 ans; deux jours pour annoncer l’intention de la France d’accueillir 3000 réfugiés syriens sur les 1 millions et demi qu’a accueilli ce pays de 4 millions d’habitants; pour finir, 2 jours pour annoncer le maintien des 900 militaires français du la FINUL (Force Intérimaires des Nations unies au Liban), présents dans le pays depuis 1978, qui vise à garantir une souveraineté du Liban mise à mal au cours des 40 dernières années. Ainsi, le président de la République Française disait au chef du gouvernement libanais, Tammam Salam « Nous sommes avec vous ».
Une perception divergente
Pourtant, en dépit de l’affirmation du soutien de la France, la venue de François Hollande a suscité des avis contrastés dans le pays des Cèdres. L’éditorialiste du journal AL Nahar, l’un des quotidiens les plus importants du Liban s’est ainsi positionné : « Nous ne nous précipiterons pas pour juger cette visite à peine terminée, mais nous n’y décelons rien de positif, ayant dépassé le stade des formalités politiques, comme si les Libanais n’attendaient de la France que plus d’ingérence« . Talal Salmane, directeur de la rédaction du quotidien as-Safir, écrivait : « Tous ont pris la photo avec le président Hollande qui pourrait leur servir pour leur campagne électorale« . L’éditorialiste du journal al-Joumhouria à pour sa part qualifié la viste de Mr. Hollande d’ « indolore, si on la compare aux visites des présidents français dans l’histoire». Quant au titre de l’article publié directeur de rédaction du journal al-Akhbar, lié au Hezbollah, il se fait la métaphore d’une critique plus vive encore: « L’hôte français qui pèse » avant de poursuivre et d’accuser Mr Hollande de « conseiller d’adopter un programme d’implantation des réfugiés syriens sans assumer la responsabilité de leur exil« . Aux yeux de l’opinion publique libanaise, la venue du président de la France ne semble pas avoir été perçue comme un signe fort d’entraide.
La fête de la musique : un évènement d’importance au Liban
Si l’on devait parler d’influence et de soutien, c’est avant tout sur le plan culturel que la France se manifeste aujourd’hui de la manière la plus visible et la plus indiscutable: l’institut français rayonne au sein de la haute-société libanaise de par les nombreux évènements qu’il organise : Cinéclubs, pièces de théâtre, salon littéraires jusqu’aux matchs de foot rassemblent l’élite et les personnalités les plus en vue de la capitale. Ce dynamisme francophone ne se cantonne pas à l’ambassade ni à l’institut français, tout deux implantés rue de Damas, l’ancienne « ligne verte » qui démarquait le quartier chrétien et le quartier musulman lors de la guerre civile de 1975 à 1990.
L’influence culturelle française s’étend jusque dans les rues de la ville: ainsi la fête de la musique est-elle largement célébrée par les Beyrouthins. 80 000 personnes ont participé à l’occasion l’année dernière. Le 21 juin prochain, la 16ème édition rassemblera les habitants de la capitale. Pour l’occasion, Jack Land, président de l’IMA (institut du Monde Arabe) et fondateur d’une fête célébrée dans plus de 700 villes du monde, se rendra à Beyrouth. Lors de la conférence de presse qui présentait l’édition 2016, le ministre du tourisme Rony Araiji déclarait, en présence d’Emmanuel Bonne, l’ambassadeur de France et du ministre de la culture M. Richard Pharaon, que « La diversité des représentations proposées dans le cadre de cette fête démontre les liens forts et les ponts qui existent entre l’Orient et l’Occident. Et déjouent toutes les théories de choc des civilisations au profit de la rencontre et des échanges sous le signe de la musique. » Plus forte la musique ? Oui, plus forte que les tentatives de repliement et de l’exclusion de l’autre » .
Domitille Courtemanche