Nicosie, capitale emblématique du partage entre deux souverainetés

Mur de séparation entre le Nord et le Sud de l'île

Mur de séparation entre le Nord et le Sud de Chypre

La rue Ledra, symbole de la séparation de l’île de Chypre en deux entités, a été réouverte en 2008, amenant à six le nombre de passages créés le long de la « ligne verte ». Ces passages, contrôlés par la police turque au Nord et grecque au Sud, constituent le seul moyen, pour un habitant, de se rendre dans l’autre partie de l’île.

Cette ouverture a été célébrée par les habitants des deux côtés de la ligne de séparation, par ailleurs baptisée « ligne Attila » par les Turcs, qui se réjouissent de ce « pas vers la paix« . La réunification de la rue Ledra est hautement symbolique : appelée « kilomètre du meurtre » du fait des attaques sanglantes de la milice chypriote grecque d’extrême-droite contre les Britanniques, elle a matérialisé le conflit qui opposa ensuite les communautés grecques et turques. Se situant dans le centre de la capitale, Nicosie, elle fut définitivement fermée en 1974 suite à l’invasion de l’île par l’armée turque.

Nicosie constitue un exemple de capitale très particulier, au même titre que Jérusalem et comme l’a été Sarajevo durant le conflit serbo-bosniaque. Divisée entre, d’une part, la République turque de Chypre du Nord, et d’autre part, la République de Chypre, elle montre bien comment des divisions géographiques se matérialisent du fait de la volonté des dirigeants de séparer différentes communautés en raison de revendications territoriales. La République turque de Chypre du Nord est uniquement reconnue par la Turquie et constitue par ailleurs un des obstacles principaux à son intégration dans l’Union européenne, dans le cadre des négociations qui se sont déjà déroulées, tandis que la République de Chypre est internationalement reconnue et membre de l’Union européenne depuis 2004. Il faut également rappeler que le Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale, est toujours présent : en effet, celui-ci dispose de deux bases militaires au sud de l’île.

La ligne de séparation, qui traverse l’île et ainsi la capitale sur 180 km, a été instaurée en 1974 en devenant une zone tampon, démilitarisée et sous contrôle de la Force des  Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP). Du côté turque, un mur a été construit le long de la ligne, jonché, entre autres, de barbelés, de fossés anti-chars et de mines, celles-ci ayant par ailleurs nécessité l’intervention de l’ONU dans le cadre du programme de déminage des Nations Unies à Chypre, avec la création du Centre d’action contre les mines de Chypre (MAC) en 2004. 10 000 personnes vivent actuellement dans la zone tampon.

Malgré certaines avancées dans les relations bilatérales entre Turcs et Grecs concrétisées par les ouvertures le long de la ligne verte et au dépend des populations qui aspirent à une réunification de l’île, le conflit est loin d’être résolu et la ligne constitue encore aujourd’hui un frein majeur à la libre circulation des personnes. Certains villages, tel Pyla, détonnent dans ce contexte de séparation en faisant cohabiter Grecs et Turcs de manière pacifique. Peut-être l’île tout entière finira-t-elle par suivre cet exemple dans les années à venir.

Déborah GUIDEZ

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http://www.lefigaro.fr/international/2008/04/04/01003-20080404ARTFIG00016-la-rue-ledra-symbole-du-conflit-chypriote-est-rouverte.php

Chiclet, Christophe, « Nicosie, dernière capitale divisée en Europe », Grande Europe n° 7, avril 2009 – La Documentation française.

Péchoux, Pierre-Yves, « La zone tampon ou buffer zone des Nations unies à Chypre »,
Guerres mondiales et conflits contemporains , 2002/1 n° 205, p. 97-118.