14 millions de paysans sans-terres en Inde derrière Rajagopal : une pression sur les élections législatives ?  

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En Inde, plus de la moitié de la population active travaille dans l’agriculture, ce qui explique l’importance du sujet traité, à savoir les paysans sans-terres qui se font entendre depuis quelques années. Depuis le 7 avril 2014, et pour un mois, 814 millions d’indiens sont appelés à voter aux élections législatives. C’est le plus grand scrutin qui n’ait jamais été organisé. L’opinion publique va donc avoir un rôle crucial dans la plus grande démocratie du Monde.

Prenons alors l’exemple des paysans sans-terres en Inde, qui ont commencé à se faire entendre dès 2005. 5000 paysans ont marché 300 km pour se faire entendre sur les dégâts provoqués par une usine de la région du Chhattisgarh. Mais la marche du 2 octobre 2007 faisant partir 25 000 paysans sans-terres de Gwâlior, dans le l’Etat du Madhya Pradesh au centre de l’Inde, a permis une véritable réaction du gouvernement. Cette marche pacifique est effectuée par les plus pauvres du pays, des dalits (« intouchables »), les membres de tribus et les paysans sans-terres, qui revendiquent tous un droit à la terre afin de vivre dignement car ils sont en marge de la globalisation et du développement économique de l’Inde.

« La globalisation financière créée un monde où les petits paysans indiens sont écrasés par leurs dettes, les expropriations, la logique du marché. Ils vont alors grossir les immenses bidonvilles des mégapoles, balayer les rues ou travailler à l’usine pour des salaires de misère. Aujourd’hui, pourtant, un peuple de 25 000 gueux s’est levé en Inde, regroupé dans un syndicat, Ekta Parishad ». L’organisation de ces manifestations pacifiques est alors menée par Ekta Parishad, qui signifie « forum de l’unité » en hindi. Il s’agit d’un mouvement populaire fondé sur le principe d’action non-violente prôné par Gandhi. Rajagopal est le fondateur et le président de ce mouvement de revendications pacifiques en faveur des pauvres.

Les paysans sans-terres manifestent donc à travers une marche pacifique derrière Rajagopal, surnommé, le nouveau Gandhi. Ce combattant pour la paix et la non-violence ne donne que son prénom afin de ne pas être étiqueté pour son appartenance à une caste. La marche de 2007 s’est faite entendre en Inde car au bout de, seulement, 123 km, le gouvernement a plié en mettant en place le Forest Rights Act. Il s’agit d’une loi qui reconnaît des droits à 1,2 millions de paysans sur les terres où ils vivent. Il faut savoir que jamais depuis le combat de Gandhi pour l’indépendance, une telle foule s’était mobilisée en Inde. Pour réussir cette marche, il a fallu l’organiser, et c’est ce qu’a fait Rajagopal entre 2005 et 2007. En effet, il faut de la discipline et de l’endurance car ces milliers de personnes ont marché, parfois pieds nus, ils dormaient au bord des routes et n’avaient qu’un seul repas par jour. Rajagopal a donc préparé ces milliers de paysans sans-terres à cette longue marche.

A la suite de cette marche, une conférence s’est tenue à Angers en 2008, lors des « Octovales de la Paix » organisés par l’association « La Paix en Marche ». Une sensibilisation a été effectuée auprès des lycéens, dont je faisais partie, à travers un documentaire, « La marche des gueux » réalisé par Monsieur Campana et Monsieur Verlet,  par l’intervention de Rajagopal mais aussi de Anand Gokani, arrière-petit-fils de Gandhi.

Le 2 octobre 2012, une autre marche commence. Cette fois-ci, 35 000 personnes sont présentes au départ de Gwâlior, pour aller au Parlement à New Delhi, soit à 350 km. Comme l’espérait Aneesh Thillenkari, le porte-parole de l’organisation Ekta Parishad, d’autres paysans sans-terres se sont greffés à la marche, atteignant ainsi 100 000 personnes. Une marche de soutien a d’ailleurs été organisée en France, par « La Paix en Marche », partant du Croisic pour arriver à Paris. L’objectif de cette marche est encore une fois, le droit de posséder sa terre pour la cultiver. La marche va s’arrêter plus tôt que prévu. Le 11 octobre un accord est signé, alors que les paysans sans-terres ne sont qu’à Agra. « Le gouvernement fédéral s’est engagé à plancher sur une politique de réformes agraires et à faire pression auprès des gouvernements locaux, l’allocation de terres étant leur prérogative, pour aider les populations marginalisées. L’une des clauses centrales de la nouvelle politique consiste à inclure le droit au logement pour chaque famille pauvre et sans-terre dans le cadre de la justice sociale ».

Malgré ces promesses de justice sociale, il reste aujourd’hui « 14 millions de paysans sans-terres » en Inde. Rajagopal se révolte contre l’ordre des choses car les grands groupes industriels utilisent les ressources de l’Inde. « L’homme révolté voit sa volonté décuplée. C’est un énorme gisement d’énergie, disponible partout. La vraie question est de savoir comment la mobiliser de façon constructive », selon Rajagopal.

Les élections législatives se montrent alors un moyen démocratique de faire entendre la voix des paysans sans-terres. Selon le quotidien Le Monde, sur 1,2 milliards d’habitants, « 73 % vivent grâce à l’agriculture ». La pression de l’opinion publique, en particulier de l’opinion de cette grande partie de la population vivant grâce à l’agriculture, pourra alors apparaître à la suite de ces élections législatives, qui se termineront le 12 mai 2014.

« Il n’y a pas de paix sans justice. Dans un pays agité par de violents affrontements et des actes terroristes, les revendications de la marche s’enracinent dans une lutte et des méthodes directement héritées de Gandhi, la ‘Grande Âme’ ». La voie démocratique s’avérera peut-être, être une possibilité pour tous les pauvres de l’Inde, de faire valoir leurs revendications de manière non-violente. Encore faut-il qu’il existe un parti politique susceptible de représenter ces paysans sans-terres. Nous aurons peut-être des éléments de réponse lors du résultat des élections législatives.

 Amélie RIPOCHE


http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/10/03/en-inde-la-marche-pour-la-justice-de-milliers-de-pauvres_1769369_3244.html

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/10/11/inde-la-marche-pour-la-justice-conclue-par-la-signature-d-un-accord_1773807_3216.html

http://www.nonviolence.fr/spip.php?article407

http://www.wedemain.fr/m/14-millions-de-sans-terres-indiens-marchent-derriere-le-nouveau-Gandhi_a491.html

http://www.ektaparishad.com/

http://www.octovalesdelapaix.fr/

http://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/etes/documents/Focus_12__de_Bouver_FR_Copy.pdf

http://www.novethic.fr/empreinte-sociale/droits-humains/isr-rse/elections-en-inde-une-pression-sans-precedent-de-lopinion-publique-142445.html