La lutte contre l’évasion fiscale : enjeu international et difficultés nationales

Le 16 décembre dernier a été voté à l’Assemblée nationale, dans le cadre de la loi de finances rectificative de 2015, un amendement annulant la l’obligation pour les grandes entreprises de rendre publiques des informations concernant leurs activités, leur chiffre d’affaires, mais surtout leurs impôts, et ceci pour tous les pays où elles sont implantées. Ce dispositif aurait permis d’avoir des informations plus claires pour lutter contre l’optimisation fiscale agressive, c’est-à-dire l’évasion fiscale, ainsi que de pouvoir partager ces informations avec d’autres pays européens.

Une décision surprenante

Cette disposition avait pourtant été votée par les députés lors de la séance de la nuit du mardi au mercredi. Mais, fait rare, la séance a été suspendue pendant plus d’une heure. Après la suspension, un amendement destiné à supprimer cette disposition a été voté avec le soutien du Gouvernement, représenté alors par Christian Eckert, secrétaire d’Etat au Budget. Le caractère exceptionnel de ce procédé, et la contradiction apparente de la position du Gouvernement par rapport aux précédentes déclarations de la majorité, notamment de notre Président de la République, « ennemi de la Finance ». La majorité était traditionnellement positionnée franchement en faveur d’une lutte contre l’évasion fiscale.

Au-delà des polémiques nationales

Au-delà des polémiques se déroulant dans le théâtre national, la question de la lutte contre l’évasion fiscale fait l’objet de l’attention de la communauté internationale, notamment par l’intermédiaire de l’OCDE. En accord avec le G20, l’OCDE a décidé d’un plan appelé Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) de 15 mesures pour lutter de façon internationale et coordonnée contre l’évasion fiscale des multinationales. L’Union européenne avance également dans ce domaine, comme en témoigne par exemple l’accord conclut avec le Liechtenstein pour davantage de transparence dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale, prévoyant notamment l’échange automatique de renseignements sur les résidents.

Les ministres des Finances du G20 ont adopté le plan d'action prévu par l'OCDE à Lima - AFP

Les ministres des Finances du G20 ont adopté le plan d’action prévu par l’OCDE à Lima – AFP.

La question de la lutte contre l’optimisation fiscale agressive était soulevée depuis plusieurs années déjà, et elle est aujourd’hui investie par les différentes instances internationales. Les avancées sont difficiles en raison de l’obligation de coopération internationale. La position récente du Gouvernement français, justifiée par la nécessité d’avancer au rythme européen, en est une preuve.

Mathilde Revert.